1-
Phase de déclenchement
Après l'encerclement au
cours du mois de février 1871 des troupes françaises dans le fort de la ville
d'El Milia par les habitants d'Ouled Aïdoun, l'insurrection déclenchée à Souk
Ahras sous la direction de Mohammed El Kablouti et
les spahis ainsi que la résistance à Laghouat de Bennaceur Ben Chohra et du
Chérif
Bouchoucha , furent autant d'évènements importants
qui constituèrent les prémices de la première phase de l'insurrection d'El
Mokrani, déclenchée le 16 mars 1871 après qu'il eut présenté pour la deuxième
fois sa démission de son poste de bachaga le 27 février 1871.
Le déclenchement effectif fut marqué par la
restitution au ministère de la guerre de son insigne de bachaga à savoir le
burnous, ainsi que la tenue d'une série de réunions avec ses hommes et les
hauts dirigeants dont la dernière fut la réunion élargie à caractère martial
tenue le 14 mars 1871.
Le 16 mars, débuta son avancée vers la
ville de Bordj bou Arréridj à la tête d'une troupe estimée à sept mille
cavaliers dans le but de l'encercler et faire ainsi pression sur la nouvelle
administration coloniale.
2-
Phase de généralisation de l'insurrection; émergence du Cheikh El Haddad
et des frères de la Rahmania
Après l'encerclement de la ville d'El
Bordj, l'insurrection s'est étendue à travers de nombreuses régions de l'Est
Algérien, arrivant jusqu'à Miliana, Cherchell, Jijel, Collo ainsi qu'El Hodna,
M’sila, et Bousaâda auxquelles il faut ajouter Touggourt, Biskra, Batna et Ain
Salah.
C'est dans de telles circonstances que
quelques dissensions sont apparues entre les zaouias de la région de
Kabylie, dont la zaouia Rahmania à Seddouk et les zaouias de
Chellata et Illoula. Ces dissensions se propagèrent au sein même de la famille
d'El Mokrani, divisée en deux fractions : la faction du bachaga El Mokrani avec
pour siège Majana, alliée au bachaga de Chellata, Ben Ali Chérif, et la faction
du bachaga Mohamed Ben Abdesslam El Mokrani, caïd de Ain Taghzout, à l'est de
Bordj Bou Arréridj qui était l'ami de Cheikh Aziz, caïd de Amoucha et la famille
de Cheikh El Haddad.
Devant cette situation qui ne servait pas
la lutte déclenchée par El Mokrani contre l'administration coloniale, celui-ci
tenta de rallier Cheikh El Haddad et la confrérie des Rahamania, grâce auquel il
commença à mobiliser les populations pour le djihad.
Le fils du Cheikh Mohamed Améziane ibn Ali
el Haddad a joué un rôle éminent aux côtés d'El Mokrani et pu ainsi convaincre
son père de proclamer la guerre sainte le 08 Avril 1871. Ceci amena certains
membres de la confrérie Rahmania à rallier les rangs de l'insurrection, devenant
ainsi une force de frappe. Ils participèrent aux côtés du bachaga Mohamed El
Mokrani à de nombreuses batailles dont ils sortirent victorieux contre les
troupes de l'ennemi.
Les batailles d'el Mokrani, de son frère
Boumezrag et du Cheikh Aziz, en plus de la confrérie Rahmania figurent parmi
celles qui ont démontré aux dirigeants du colonialisme,
l'étendue de cette révolte qui n'était pas seulement limitée à Majana et El
Bordj mais avait atteint Dellys, Tizi Ouzou, Sour El Ghozlane, Draâ el Mizan ,
Bouira, parvenant jusqu'aux abords de la capitale.
Les membres de la confrérie Rahamania,
disciples du Cheikh El Haddad jouèrent un rôle éminent dans les succès de
l'insurrection d'El Mokrani, notamment après que Cheikh El Haddad eut proclamé
la guerre sainte le 08 Avril 1871 à la zaouia de Seddouk et sur
l'insistance de son fils Aziz. L'insurrection eut tendance à acquérir un
caractère global à travers l'accroissement du nombre de combattants qui l'ont
ralliée et son extension à l'ouest, au nord et à l'Est où bon nombre de postes
de l'armée coloniale furent encerclés dans plusieurs régions.
Le nombre de combattants, partisans de
Cheikh El Haddad et membres de la confrérie Rahmanya avait atteint plus de cent
vingt mille (120000)hommes, issus de deux cents cinquante (250)tribus, puisque
le Bachaga El Mokrani avait réussi à mobiliser 25 mille cavaliers des tribus de
Bordj Bou Arréridj, Bousâada et Sour El ghozlane. Grâce à cette force dont le
mérite revient à la zaouia Rahmania et aux partisans de Cheikh El Haddad et de
son fils Aziz, l'insurrection avait enregistré de nombreuses victoires qui
engendrèrent des craintes chez l'administration coloniale et devinrent un danger
pour ses intérêts et les colons dans la région.
-
Phase de repli
En dépit des capacités de mobilisation
pour le combat de Cheikh El Haddad et son fils Aziz et le rôle joué par leurs
partisans au sein de la confrérie des Rahmania, outre le rôle joué par le
bachaga Mohamed El Mokrani et son frère Boumerzag, les dissensions ont refait
surface, entretenues grâce à ses méthodes spécifiques par l'administration
coloniale, notamment après la mort au champ d'honneur du héros de la résistance,
le Bachaga El Mokrani, au cours de la bataille de Oued Souflat qui a eu lieu
près de Aïn Bessam , le 05 Mai 1871, tué par l'un des traîtres à la solde de
l'administration française.
Ces dissensions étaient centrées au premier
degré autour de deux personnalités ayant chacune son poids dans cette
insurrection, à savoir Aziz, fils de Cheikh El Haddad, et Boumezrag El Mokrani,
frère de Mohammed El Mokrani, leader de la résistance, auquel a été remis
l'étendard du djihad après le décès de son frère. Cheikh Aziz rejeta cette
nouvelle situation, briguant la direction de la résistance surtout qu'il était
l'une des personnalités les plus éminentes autour de laquelle s'étaient
regroupées les frères de la Rahmania.
Cependant, la situation était maîtrisée
par Boumezrag, ce qui poussa Cheikh Aziz à s'empresser de demander la
reddition.
L'autre cause d'affaiblissement de la
résistance et de son recul fut le conflit interne aux zaouias de la
confrérie Rahmanya, dont celui entre la zaouia de Seddouk dirigée par Aziz ,
celles de Chérif Ben el Mouhoub et celle de Chellata qui furent attaquées par
lui entre le 15 avril et le 24 mai.
Les conséquences de ces conflits sur le
processus insurrectionnel furent désastreuses dans la mesure où Boumezrag
poursuivait la résistance à travers des batailles qui réduisaient
progressivement son potentiel de combat. Il ne put donc pas ontinuer la guerre
contre les troupes de l'ennemi, surtout après la reddition d'El Haddad qui a
influé sur le moral de Boumezrag El Mokrani.
Ses
tentatives de resserrer les rangs des dirigeants des zaouias de la
confrérie des Rahmanya furent vouées à l'échec et après sa défaite au cours de
la bataille qui eut lieu près de la kalâa des Béni Hammad, le 08 octobre 1871,
il se dirigea vers le Sahara. Les Français en ayant eu vent, il fut arrêté le
20 janvier 1872 près de Rouissate à Ouargla et transféré au camp du Général
Delacroix puis envoyé au bagne de Nouvelle
Calédonie.