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De par ses caractéristiques et les causes de son déclenchement, l'insurrection des Béni Chougrane à Mascara en 1914 est considérée comme l'une des résistances les plus marquantes du début du vingtième siècle. D'autre part, elle constitue une continuité dans la série de résistances, insurrections et révoltes qu'ont connues l'Algérie de façon générale et la région de l'ouest algérien en particulier.

Causes de la résistance des Béni Chougrane

A l'instar des autres régions d'Algérie, la région de Béni Chougrane a souffert de l'application par l'administration coloniale française de politiques visant à encourager l'implantation de colonies européennes à travers la saisie des biens des Algériens aussi bien ceux des particuliers que ceux des tribus, l'imposition de lois arbitraires ainsi que l'application d'une politique injuste d'impôts à l'égard des indigènes.

En fait, les autorités françaises avaient veillé à s'attaquer à cette région en particulier, du fait qu'elle constituait le berceau de la résistance de l'Emir Abdelkader et un foyer permanent de tensions menaçant à tout moment la présence française.

La situation s'est aggravée davantage après l'application du "Senatus Consulte" en 1863 et de la loi "Warnier" à l'issue de laquelle des milliers de familles algériennes ont été déplacées vers des régions désertiques montagneuses au moment où les terres fertiles étaient transformées en vignobles. Les paysans algériens, quant à eux, sont allés grossir les rangs des khammès et des chômeurs compte tenu de la perte de leurs sources de revenus et de leurs moyens de subsistance.

De plus, les sanctions et amendes prévues par le Code des Forêts ont empêché les Algériens d'exploiter les ressources forestières pour leurs besoins propres ainsi qu'ils le faisaient avant l'occupation. Quant au Code de l'Indigénat, il s'est caractérisé par l'injustice, l'arbitraire et l'iniquité à l'égard des populations de la région.  Les sanctions et décisions répressives étaient prises par des fonctionnaires de l'administration et agents de l'ordre disposant de larges prérogatives en la matière et en abusant sans retenue.

Selon des sources françaises, Mascara occupait le premier rang dans le département d'Oran par le nombre de sanctions enregistrées en 1913 et 1914.

De telles pratiques avaient engendré chez les habitants des monts de Béni Chougrane et de Mascara un sentiment de rancœur et de haine vis-à-vis de l'occupant français et l'esprit de résistance et de rébellion qui ne s'était jamais éteint depuis la résistance héroïque de l'Emir Abdelkader se manifesta de nouveau.

Il ne fait nul doute que le facteur direct de cette insurrection fut la promulgation de la loi portant conscription obligatoire pour les Algériens qui avait commencé à être appliquée à grande échelle. Les réactions des Algériens vis-à-vis de la loi du 13 février 1912 furent multiples et prirent diverses formes parmi lesquelles l'envoi de délégations,  la rédaction de requêtes,  la présentation de réclamations et l'émigration vers des pays islamiques

Les étapes de la résistance des Béni Chougrane

A l'ouest du pays, une délégation de représentants de l'Oranais fut constituée et se rendit à Paris en vue de présenter les revendications des habitants de l'Ouest, opposés à la loi sur la conscription obligatoire. Par contre, les populations de Saïda, Sebdou et Ghazaouet ont eu recours à la méthode des requêtes et réclamations pour exprimer leur colère et leur opposition à la politique du colonialisme tandis qu'à Tlemcen, des dizaines de familles ont préféré émigrer à l'étranger, vers le Moyen Orient arabe pour rejoindre les milliers d'algériens exilés au Hedjaz et en Syrie.

Devant l'incapacité et la vanité des méthodes pacifiques à réaliser les revendications des Algériens, ces derniers eurent recours à la désobéissance et la rébellion en réaction à la poursuite par les autorités coloniales de l'application effective de la loi sur la conscription, notamment après que la décision fut prise d'accélérer la mobilisation des jeunes algériens de la classe de 1914.

Après le déclenchement de la première guerre  mondiale, l'administration française intensifia l'opération de mobilisation qui toucha environ 4000 jeunes à la fin du mois d'Août 1914, lesquels bénéficièrent d'un entraînement militaire préliminaire avant d'être envoyés sur les différents fronts en Europe.

Face à ce bouillonnement , des rumeurs se sont répandues dans la région de Mascara selon lesquelles la France allait procéder à la convocation des mineurs, supprimer les indemnités et recourir, en cas de nécessité, aux malades et aux hommes âgés si les choses se compliquaient face à l'Allemagne.

Ce furent là autant de raisons qui poussèrent les jeunes de Ouled Sidi Dahou et des villages environnants à refuser de se conformer aux ordres de l'administration française en s'inscrivant sur les listes de conscription à la fin de l'année. Les autorités coloniales eurent alors recours à la menace et au chantage. Elles arrêtèrent les chefs de village pour contraindre les jeunes à se plier mais cette démarche eut pour effet de mettre le feu aux poudres et conduisit à l'explosion de la situation, englobant ainsi toute la région.

Malgré la mobilisation par la France de troupes militaires importantes, les habitants continuèrent à refuser de livrer leurs enfants. Le désordre se généralisa et les accrochages dans la ville de Mohammedia en octobre 1914 se soldèrent par de nombreux morts et blessés des deux côtés.

Les insurgés attaquèrent les fermes de colons, les détruisant et incendiant tout ce qui représentait l'administration coloniale. Ils attaquèrent les agents de l'administration pour se venger du rôle qu'ils ont joué dans le recensement des jeunes mobilisables.

Après ces évènements, l'opération de répression débuta au moyen de troupes militaires venues de tous les côtés de  l'ouest algérien. La région de Béni Chougrane fut encerclée  du 5 au 20 octobre 1914. Au cours de cette période, de nombreux villages furent incendiés condamnant les habitants à l'errance, tel Douar el Fraguig. Les habitants tentèrent de négocier avec l'armée française mais cette dernière procéda à l'arrestation des membres de la délégation et tout suspect fut emprisonné.

Après une répression qui a duré plusieurs semaines, cette insurrection aboutit à l'arrestation de centaines de jeunes et d'adultes de la région avec, à leur tête, les chefs de la rébellion. Les personnes arrêtées furent présentées devant les juridictions d'exception françaises et des peines diverses furent prononcées à leur encontre, allant de la prison avec sursis à la condamnation à mort. Des sanctions furent également prises consistant en la saisie des biens de nombreuses tribus et clans de la région de Béni Chougrane auxquelles furent imposées des amendes exorbitantes. En outre, de nombreux notables furent démis de leurs fonctions.

L'insurrection des Béni Chougrane s'étendit aux alentours de la région de Mascara même après la fin de la première rébellion. La désobéissance se poursuivit en 1915 de façon moins violente certes, avant que Tébessa et Souk Ahras ne connaissent une situation similaire au cours de la même année. Le nombre de jeunes déserteurs de l'armée française continua à augmenter en dépit de toutes les mesures répressives prises par la France pour stopper ce phénomène.


 

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 toufik bakhti
tbakhti@hotmail.co.uk

 

 

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