|
La révolte de Sétif, qui s’étend à Guelma, Bône, Biskra, Batna et Constantine, cristallise ainsi plus d’un siècle de frustrations et d’humiliations. La répression menée alors par le général Duval, engageant l’aviation et la marine, est d’une violence inouïe : en quelques semaines, de 6 000 à 8 000 algériens sont tués, 45 000 selon la mémoire collective algérienne. Le grand écrivain Kateb Yacine se souvient qu’« on voyait des cadavres partout, dans toutes les rues... La répression était aveugle ; c’était un grand massacre. (...) Cela s’est terminé par des dizaines de milliers de victimes. A Guelma, ma mère a perdu la mémoire... La répression était atroce ». Dans son plus célèbre roman, Nedjma, le romancier peint la violence de la répression : « Les automitrailleuses, les automitrailleuses, les automitrailleuses, y en a qui tombent et d’autres qui courent parmi les arbres, y a pas de montagne, pas de stratégie, on aurait pu couper les fils téléphoniques, mais ils ont la radio et des armes américaines toutes neuves. Les gendarmes ont sorti leur side-car, je ne vois plus personne autour de moi . » Des milices pieds-noirs participent activement aux opérations, accentuant le fossé entre les communautés. Ainsi, Michel Rouze, rédacteur en chef d’Alger républicain, note dans un rapport que « la loi martiale est proclamée. On distribue les armes aux Européens. Tout Arabe non porteur de brassard est abattu ». Le déchaînement de la répression de mai 1945
dans le Constantinois marque un changement radical de conjoncture pour les
nationalistes. L’absence de réformes significatives après 1945 conforte la
conviction que le système colonial ne peut s’amender par des voies
pacifiques. D’autre part, il devient clair que l’unification de toutes les
forces d’un nationalisme alors divisé est nécessaire pour renverser le
rapport de force entre celui-ci et la puissance coloniale. Sétif préfigure
ainsi la guerre
d’Algérie. |
|
|
|
|
Toufik Bakhti
tbakhti@hotmail.co.uk